“La Fleur d'or grâce à des choix de gestion plus écoresponsables !”
Dominique Poirier, directeur du service des espaces verts de Cherbourg-Octeville (50), a orienté sa politique de fleurissement de manière à réaliser les économies demandées par les élus il y a quatre ans. Paillage des massifs, arrêt des phytosanitaires ou passage au tout-vivaces ont séduit le jury du Conseil national des villes et des villages fleuris l'an dernier, même si le résultat est moins « flashy »...
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« Avant, lors des portes ouvertes du centre de production municipal, nous offrions aux visiteurs un géranium. Aujourd'hui, nous leur tendons une plante vivace », explique Dominique Poirier, directeur du service des espaces verts de Cherbourg-Octeville (50), pour symboliser le virage pris par la ville, il y a maintenant quatre ans, dans le cadre du fleurissement. Parfois montrée du doigt par les producteurs régionaux pour son intransigeance vis-à-vis des annuelles, la ville a choisi de changer de cap, du jour au lendemain, ou presque. Le maire de la cité n'avait pas, à l'époque, la notoriété qu'il a aujourd'hui, mais avant d'entrer au gouvernement au ministère du Budget, Bernard Cazeneuve cherchait à équilibrer les finances de la ville. « Il nous a demandé de faire des économies qui ne nous laissaient que deux possibilités : passer au tout-vivaces ou bien réduire la quantité d'espaces fleuris dans la ville, se souvient Dominique Poirier. Nous avons choisi la première solution, afin que chaque quartier soit traité de manière équitable, en portant même les surfaces fleuries de 10 000 à 14 000 m². »
Passer directement au tout-vivaces représentait un choix risqué, car le jury national du fleurissement chargé de renouveler la Quatrième Fleur est passé cette année-là. La distinction a été de nouveau octroyée sans souci, et l'an dernier les représentants du CNVVF (Conseil national des villes et des villages fleuris) sont repassés et ont été plus encore séduits, au point d'accorder « la Fleur d'or récompensant les choix de gestion plus écoresponsables ». Quant aux habitants, ils remarquent que « le fleurissement est moins 'flashy' qu'avant, mais ils ne nous le reprochent pas », estime le directeur des espaces verts. « D'ailleurs, auparavant, nous avions beaucoup de remarques quand nous jetions les annuelles ou les bisannuelles en fin de cycle. Aujourd'hui, ce qui chagrine les Cherbourgeois, c'est le fait que nous n'installions plus de chrysanthèmes à la Toussaint dans les cimetières... » Après quatre années en tout-vivaces, « nous ne faisons pas d'économies sur le budget de fonctionnement, mais nous avons économisé une dizaine d'emplois », poursuit Dominique Poirier. « Sur le centre de production, nous sortions tous les ans 420 000 annuelles et bisannuelles, sur 10 000 m² de serres. Aujourd'hui, la production de 30 000 à 40 000 vivaces par an nous suffit. Mais nous n'avons économisé qu'un seul poste de production, parce que nous étions très mécanisés. L'essentiel des postes libérés l'a été sur les équipes de terrain. Avant, la période des plantations représentait un gros stress. Là, c'est plus réparti dans le temps, il n'y a plus vraiment de créneau particulier. Nous plantons beaucoup en mars et en avril, puis nous effectuons des remplacements réguliers, presque toute l'année...
Par contre, nous installons des végétaux bien développés pour avoir un effet immédiat. Nous avons, par exemple, des Echinacea en conteneur de 5 l, voire de 7 l. Nous les gardons dans les serres plusieurs années si nécessaire pour donner l'impression, quand ils seront mis en place, qu'ils sont là depuis longtemps. »
La nouvelle orientation du fleurissement de la ville représente au final peut-être davantage un aboutissement qu'un véritable virage. Arrivé au service des espaces verts en 1992 et directeur depuis 1998, Dominique Poirier se souvient : « Il y a vingt ans, nous avions beaucoup de massifs traités en mosaïque, mais nous avons été obligés d'arrêter à cause du prix. Et puis, nous avions commencé à travailler avec des vivaces depuis déjà plusieurs années quand nous avons décidé de basculer en 2010. Ce qui fait que, pour les agents, les choses n'ont pas été très compliquées. Ils avaient déjà la connaissance de cette gamme végétale. »
Et la palette utilisée à Cherbourg-Octeville est large. Ce qui frappe, en arrivant, est de voir des espèces assez gélives utilisées en pleine terre, surtout en zone littorale, mais pas seulement. Ouverte sur la Manche par le nord, alors que les vents dominants sont plutôt orientés à l'ouest, la ville a peu de problèmes d'embruns et bénéficie d'un microclimat qui lui donne des airs de zone méditerranéenne ou des côtes sud de l'Angleterre. Ainsi, sur le port, des Solanum rantonetti vieux d'une dizaine d'années ont passé sans encombre les belles vagues de froid de ces dernières années, en particulier celle de février 2012. Mais Cherbourg, c'est aussi l'agglomération où se situe le jardin de La Roche Fauconnière dans lequel les Fabiana imbricata peuvent atteindre 2 m de haut et où prospèrent 6 500 taxons différents. Elle dispose aussi de la collection nationale de Nothofagus. « Nous travaillons un peu dans l'esprit 'ville botanique' en diversifiant la palette au maximum. Pour les vivaces et le fleurissement proprement dit, nous essayons beaucoup de choses et nous éliminons les taxons qui ne se développent pas bien », explique le directeur des espaces verts.
Les massifs sont systématiquement paillés chaque année, soit avec de la paille, soit avec du miscanthus. Ces protections sont installées au printemps dans les massifs, sur une épaisseur d'une quinzaine de centimètres. Il s'agit de paille bio commandée longtemps à l'avance par contrats, parce qu'il n'est pas facile de s'en procurer. Broyée au champ, elle est laissée à l'air libre à réception, le temps qu'elle brunisse, puis elle devient utilisable sans problème.
La nouvelle orientation du fleurissement s'est inscrite dans une démarche globale d'évolution du service des espaces verts pour des pratiques plus orientées vers le développement durable, qui ont largement compté dans les décisions du jury pour l'octroi de la Fleur d'or l'an dernier. En 2010, avec le choix d'opter pour l'usage des vivaces, la ville a considérablement diminué le recours aux suspensions et aux jardinières, passant de plus de 900 contenants à 103 seulement. « L'objectif était de limiter le recours aux intrants que ce soit les engrais ou l'eau », justifie Dominique Poirier. Le service a aussi beaucoup travaillé sur les déchets : les bois de taille sont broyés et utilisés en BRF (bois raméal fragmenté) pour pailler certaines zones, les gazons sont tondus en mulching toute l'année sauf à l'automne où l'herbe est ramassée et envoyée en compostage. Certains espaces sont menés en fauche, Cherbourg-Octeville ayant investi dans une petite machine à faire des balles rondes de foin, qui sont vendues. Seuls des déchets non valorisables sont envoyés à la décharge.
Pour le désherbage, les balayeuses sont privilégiées. Les balais doivent être changés tous les quinze jours et une machine qui permet au service de les reconditionner lui-même vient d'être achetée. Là où il reste impératif de désherber et où les balayeuses ne sont pas adaptées, essentiellement dans les cimetières, la ville a recours à l'acide pélargonique. La méthode donne satisfaction, bien que l'an dernier, avec le printemps pluvieux, elle ait un peu montré ses limites : il a été nécessaire d'intervenir manuellement.
Pour l'avenir ? « Nous avons encore beaucoup à apprendre sur les plantes vivaces et du mal à enlever les végétaux qui ne donnent pas satisfaction. Mais il n'est pas question, quoi qu'il en soit, de revenir aux annuelles. Personne n'a envie de revenir en arrière. D'ailleurs, les horticulteurs locaux se sont intéressés à notre travail et vendent désormais des vivaces », estime Dominique Poirier. Confortée par les jurys nationaux du fleurissement, la ville de Cherbourg-Octeville a trouvé sa voie et poursuit sa route en regardant droit devant...
Pascal Fayolle
Auparavant consacré à la production de 420 000 annuelles et bisannuelles, le centre de production est aujourd'hui utilisé pour produire des végétaux de grand développement destinés à donner un effet immédiat dans les massifs.
Une fois par an, au printemps, les massifs sont paillés, sur une épaisseur d'une quinzaine de centimètres, avec de la paille bio commandée à l'avance par contrat auprès d'agriculteurs, ou avec du miscanthus.
La palette utilisée à Cherbourg-Octeville est large. Ouverte sur la Manche par le nord, alors que les vents dominants sont plutôt orientés à l'ouest, la ville a peu de problèmes d'embruns et bénéficie d'un microclimat.
Le désherbage est assuré avec des balayeuses, de l'acide pélargonique ou la binette. Les balais, qui doivent être changés tous les quinze jours, nécessitent des stocks. Une machine pour les reconditionner va être achetée.
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